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La vie rêvée des anges
8 février 2009

Nick Danziger, quelques clichés pour une leçon d’humanité

DZIDZAQuelle est l’histoire de l’exposition Femmes face à la guerre ?
J’ai réalisé ces différents portraits en 2001 dans le cadre d’une étude menée par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) qui visait à dénoncer le non-respect du droit international envers des femmes touchées par un conflit armé. Je suis allé dans les Balkans, en Afghanistan, en Israël, en Sierra Leone et en Colombie. Quand le CICR m’a parlé de ce projet, j’ai accepté sans hésiter, ravi d’y participer.




Comment se déroulaient les rencontres avec ces femmes ?

Malgré la dureté de leur situation, elles m’ont toutes permis d’entrer dans l’intimité de leurs vies. Ces instants étaient une épreuve : elles revenaient sur des passages très douloureux, mais une fois en confiance, elles parlaient en toute sincérité. Elles avaient enfin la possibilité de témoigner et de raconter leur histoire.
Le lien humain était fort. Certaines ont été mutilées, comme Mariatu à l’âge de 13 ans, d’autres ont perdu plusieurs membres de leur famille, leurs frères, leurs maris, leurs enfants ou ont subi des sévices. Je me souviens de ma rencontre avec Mah-Bibi. J’étais au fin fond de l’Afghanistan, je suis sorti du véhicule du CICR et j’ai vu cette petite fille se faufiler à travers la foule et tirer ma chemise. Elle me répétait qu’elle était mère de famille. Agée de seulement 11 ans, elle vivait sous une tente et s’occupait seule de ses petits frères. Au cours des entretiens, on est plongé dans leur réalité. On se prépare à cet instant, on sait que l’on va rencontrer une femme mutilée, on doit tenir le coup, on travaille, on essaye de faire de son mieux. Et c’est lorsque l’on quitte le pays que la pression retombe. C’est à cet instant que l’on réalise les choses et que l’on veut pleurer.

Outre les épreuves, qu’est-ce qui unit ces femmes ?
Elles sont de véritables héroïnes. Plus que des femmes, ce sont des mères, des soeurs, des épouses, des chefs de famille. Elles surpassent le statut de victime et subviennent seules aux besoins de leurs proches. Elles se battent pour que leurs enfants aillent à l’école. Ces femmes ont une même force, une dignité magnifique.
Elles sont éblouissantes. Malheureusement unies par le fait que des lois internationales n’ont pas été respectées, victimes d’une même injustice. Pour certaines, les choses se sont améliorées. J’ai revu deux de ces femmes. Si j’en avais les moyens, je repartirais dans la seconde refaire leur portrait pour savoir ce qu’elles sont devenue.

Sept ans après ce reportage, savez-vous quel a été son impact ?
Les documentaires réalisés sur ces femmes ont été diffusés dans différents pays, en Espagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, dans les pays scandinaves. Je sais que les Nations Unies ont utilisé certains clichés. En ce qui concerne les conséquences d’un tel projet, je pense que l’on ne peut jamais quantifier le retour, mais je ne peux qu’espérer que ces images aient sensibilisé tous ceux et celles qui les ont vus.

Quelle est votre manière de travailler ?
Mon appareil fait partie de moi. Le fait d’avoir commencé par la peinture me fait percevoir chaque image comme la partie d’une toile que je dois remplir. Ensuite, je tiens à photographier les gens au sein de leur univers et là j’espère faire un cliché qui voudra tout dire. Heureusement, les gens sont ouverts et confiants avec moi, que ce soit les hommes politiques ou ceux que je rencontre lors de mes reportages. Je leur explique que je veux les présenter comme ils sont. La photographie ce n’est pas comme la peinture : on ne peut pas tout modifier. Et je tiens à ne pas travailler mes photos. Je veux qu’elles soient réelles. Aujourd’hui, on pense que l’on peut tout manipuler. Je trouve ça triste.

Que retenez-vous de cette expérience ?
J’ai rencontré des gens incroyables, des personnes qui ne sont malheureusement pas reconnues pour leur force, leur esprit, l’amour qu’ils apportent malgré les difficultés qu’ils ont subies. Je me souviens de ces gens qui ont tenu à m’offrir du thé. Ils n’avaient rien à manger, c’était leur dernier thé, mais cela n’avait aucune d’importance. Ce qu’ils vous offrent, c’est leur amitié, c’est à leurs yeux une forme de politesse et de dignité.
C.S

Photo : Nick Danziger
Article paru dans le numéro de janvier de l'Observateur de Monaco

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